bin ronald, ça va faire un ti-peu de lecture...
Je crains que le questionneur ne puisse en apporter plus que le répondeur... je vais vous répondre de mon mieux sur ma petite cuisine, mais je n'ai pas composé mon mélange idéal, ni n'ai le recul de 15 ou 20 ans que nécessaire pour l'ajuster (empiriquement) à la race et aux objectifs d'élevage.
Ce n'est donc pas très précis, et sans caractère définitif. Il faut des connaissances assez abouties pour élaborer la ration adéquate, et je ne les possède pas, et encore moins les instruments de contrôle. C'est pourquoi je ne peux pas, ou peu, vous répondre sur mes proportions. Il faudrait maitriser les relations entre nutriments suffisamment, la connaissance des facteurs limitants, et autres pour les établir. Comme d'autres, je m'y suis intéressée, j'étudie la question à mon petit rythme, préfère actuellement m'appuyer sur les solutions pré-fabriquées pour faire ma « petite cuisine ».
Je me fie aussi à mes poules ( les poules en liberté augmentent leur score, d'après les chercheurs de l'INRA, de Larbier & Leclerq 1992), et comme pour la moulée, j'oriente sans avoir construit le bateau.
J'ai quand même retiré de mes lectures quelques lignes directrices, notamment sur les proportions de protéines optimales pour les volailles industrielles, et sur les vitamines et acides aminés : je peux au moins mettre en partage les « adaptations » que j'essaie.
Il y a aussi un certain écart entre ce que je jugerai optimal de donner, et ce que je donne dans la réalité pratique, compte tenu de mes contraintes. Mon élevage est amateur, sans prétentions, et occasion d'expériences.
Pour rester dans un ensemble cohérent, celui de l'alimentation, je dois répondre plus largement que votre question, en ne me limitant pas aux graines germées : elles ne sont pas en effet le tout de ce que je veux donner, et , encore moins de ce que je donne dans la pratique.
Enfin je préfère avertir que mes options pourront en surprendre certains, qui auront eu des lectures différentes ou un autre type d'élevage. J'ai pour sources principalement Larbier&Leclerq, et Steven Leeson. Plus des conseils d'anciens.
J'ai sélectionné une moulée pour sa composition, la plus approchante à mes objectifs, parmi les marques dont je disposais dans un rayon géographique raisonnable. Ce n'est pas exactement ce que je voudrais, car encore un peu riche en potéines, mais ce n'est pas si mal. Si vraiment je voulais pousser, ajuster, je devrais mélanger avec des céréales concassées... Comme mes volailles ont accès au parcours une partie de la journée (à partir de 8 semaines et de plus en plus à mesure qu'elles finissent leur croissance, avec une restriction au cours du 5ème mois), je table dessus, et cela implique par ailleurs que je ne contrôle de toute façon pas strictement leurs apports à 1% près. Il faudrait les enfermer, et c'est incompatible avec d'autres choix que je fais quant à leur rusticité.
J'utilise aussi un complément alimentaire de vitamines et d'acides aminés en poudre, que je prépare à mesure et donne par l'eau de boisson (Vitavil aminé, pour les Européens). En gros, ces deux choses, moulée et complément industriel, me servent à « assurer mes arrières », car même si j'avais l'acuité désirée sur la question je ne saurais connaître les apports réels des grains disponibles ici.
Troisième élément non naturel, je joue pour les plus jeunes sur les durées d'éclairement pour influencer la prise alimentaire, même quant ils sont élevés par une poule.
Les graines, germées ou non, et les autres aliments, me servent à moduler cette base pour adapter la moulée pondeuse ou croissance aux besoins :
avoir un apport de vitamines et d'acides aminés naturels
moduler (diminuer) le taux de protéine pour les coqs et surtout réduire l'apport en calcium, bien trop important pour eux dans ces moulées, et qui peut leur nuire. (on ne trouve pas de moulée par sexe dans les quantités qui m'iraient).
cibler des apports vitaminiques adaptés à la race précise, notamment les besoins en vitamine E : avec le sésame pour les poussins d'un jour (oui... c'est du luxe, mais rapporté à leur taille et leur nombre, de faible impact financier... c'est en plus une gâterie stimulant fortement le picorage), et avec le tournesol dès que la taille du bec le permet.
baisser le coût alimentaire pour les pondeuses « à œufs de consommation» et réguler leur ponte en donnant plus ou moins de protéines selon mes besoins en oeufs.
Idéalement, mon objectif est d'arriver à nourrir essentiellement avec un mélange de grains (plus le grand parcours libre). C'est ce que je fais pendant les temps de « repos » hors repro, où je ne donne quasiment que du blé germé. En début d'été, les adultes au repos boudent même mon blé germé, c'est dire s'ils trouvent leur compte sur le parcours.
Basiquement, pour la germination, elle permet d'avoir une qualité et une valeur nutritionnelle élevées avec un aliment à moindre coût et se conservant mieux que la moulée.
J'y recours pour ces avantages :
*faire exploser le taux de vitamines par rapport à la graine non germée
*transformer les protéines en acides aminés
*transformer les lipides en acides gras
*annuler ou fortement réduire les facteurs anti-nutritionnels des graines non germées.
* augmenter le rendement alimentaire à quantité égale
Pour ma réponse, il faut bien prendre en compte que les études disponibles portent les oiseaux à chair ou à ponte industriels.
Et d'autre part, que j'élève des poules d'ornement, à croissance lente (et même très lente) et qui ne sont pas sélectionnées pour leur rendement nutritionnel. Au contraire des oiseaux d'industrie avicole. Il y a donc un décalage et biologique, et d'objectifs.
Mes objectifs d'élevage sont actuellement d'avoir un gain de taille et de masse des animaux, ce qui pourrait sembler me rapprocher des études de référence, mais ces objectifs excluent l'engraissement, et excluent le développement accéléré de la masse musculaire par rapport au squelette, ce qui est encore un écart par rapport aux critères ayant dirigés les chercheurs.
Cette forme de croissance est celle recherchée pour les poulets de chair. On veut qu'ils fassent le plus possible de chair par rapport au poids d'os, quitte à causer les troubles musculo-quelettiques qu'on sait et qui évidemment ne m'intéressent pas. Pour avoir du muscle, on protéine les oiseaux, ce qu'on sait être au détriment de leur fécondité, dont on n'a également que faire vu leur durée de vie (45 à 90 jours). Ce qui n'est évidemment pas adapté pour mes objectifs.(sur ce rapport protéine/baisse de fécondité dans les races lentes, je me réferre à M. Larbier et Leclerq, j'ajouterai un tableau extrait).
Enfin on a modifié et sélectionné les oiseaux hybrides pour qu'ils tirent parti de leur alimentation... Qu'ils donnent le plus en recevant le moins, et surtout le moins cher, est l'objectif principal. Ce n'est pas le cas des oiseaux dits d'ornement où, de plus, l'aspect guide principalement la sélection. Parfois au détriment de la qualité en tant que « poule », d'ailleurs -c 'est un autre débat.
Pour les pondeuses, une bonne pondeuse n'est pas grosse, elle mange juste assez... On veut les œufs les plus rentables....Mais chez moi, la ponte est orientée d'abord vers la reproduction, secondairement vers un haut niveau de qualité en bouche, ce qui m'amène à moduler les données que je trouve.
Je privilégie une croissance lente, et je retarde la maturation sexuelle dans la mesure du possible afin qu'elle soit la plus complète : si une poule pond son premier œuf entre 6 et 8 mois, je suis contente : ils seront plus gros toute sa vie.
Je recherche une croissance longue et équilibrée, la longévité et la fertilité de mes sujets.
Donc j'y vais doucement sur les protéines, ce qui surprendra beaucoup sans doute.
Ce qui surprendra encore aussi, je fais des naissances tardives, de mai à mi-juillet (voire pire) : bien que mes poules soient à ponte hivernale, cela m'aide à retarder la maturation sexuelle, pour que mes poules parachèvent d'abord leur propre croissance, et à obtenir un premier œuf plus tard (et plus gros).
Ces deux choses surprendront, car incompatibles avec les concours, qui ont lieu à l'automne, et car on cherche des animaux avec beaucoup de poitrine (ce qui se gagne en semaines à coups de protéines).
De plus, ce qui n'est pas pris en compte par les concours, ornement ou pas ornement, je veux des poules qui soient des poules « de ferme » et vise une certaine rusticité, une ponte d'environ 180-200 œufs par an, et un bon poids d'oeuf.
Enfin, ne pas oublier que je me trouve sous un climat doux et que mes volailles disposent d'herbe verte même une partie de l'hiver, étant en parcours libre.
J'en viens maintenant au détail des graines.
Très peu de Maïs
Il est en fait beaucoup trop riche en sucres et lipides, pas assez protéines, et son intérêt nutritionnel pour les poules est limité.
Le maïs est intéressant pour l'engraissement ; pour mes animaux d'ornement, je n'en donne qu'un peu au creux de l'hiver, et le reste du temps quelques pincées à mon coq, qui est le seul à considérer ça comme une gâterie suprême.
BLÉ Germé
Je le donne systématiquement germé. Entre 3 et 5 jours, voire en petite pousse pour les poules en claustration – les autres disposent d'herbe et boudent les grains trop germés.
C'est principalement et parfois, uniquement, ce que je donne comme graines germées... disons mon minimum syndical.
La germination non seulement démultiplie la quantité de vitamines, mais aussi fait apparaître par synthèse des vitamines qui ne sont pas dans la graine en dormance.
Les amidons se transforment en sucres, ils sont comme pré-digérés, donc mieux assimilés.
La germination optimise le rendement alimentaire à quantité égale.
Le taux de protéines du blé, 12% environ, est idéal pour avoir un coq adulte au mieux de sa fécondité. Mais les céréales sont pauvres en lysine, ce qui déséquilibre le rapport lysine/méthionine. La germination augmente le taux de lysine, mais il faut compléter avec des protéagineux.
POIS concassé ou germé
Pour me simplifier les choses, et pour ne pas acheter de soja transgénique (qui se trouve déjà sûrement dans la moulée que j'achète), je m'en tiens au pois pour les protéagineux.
J'utilisais pour l'apport de protéines le pois, à hauteur de 20 %, quand je pouvais m'en procurer fraîchement concassé, et parce que contrairement aux féverolles il améliore les qualités gustatives et l’onctuosité de l'oeuf.
Les féveroles améliorent un peu les blancs mais contiennent des substances qui diminuent le poids d'oeuf (vicine, convicine), et il n'est pas toujours facile de savoir quelles variétés employer, certaines ayant pas mal de facteurs anti-nutritionnels pour les poules.
Les pois manquent en acides aminés soufrés, je compense en donnant presque chaque jour et selon ce que j'ai : des feuilles de chou, de poireau, de l'ail et de l'oignon, et en retournant une part des jaunes d’œufs aux poules.
La digestibilité et surtout l'énergie réellement utilisée dans le pois sont accrues par des traitements thermiques, que je ne peux faire, et par le concassage – je n'ai pas de broyeur... il me faudrait un moteur 220V....- donc à présent j'utilise une part de moulée que j'achète à mesure, pour qu'elle soit toujours récente, et dont les proportions en lysine et méthionine me conviennent à peu près.
Par contre, il est intéressant de le faire germer car sa richesse en protéines donne en théorie une grande richesse en acides aminés :
protéines * germination = acides aminés
TOURNESOL, germé ou non
Sa richesse en vitamine E l'indique pour un bon taux de fécondation et pour éviter les œufs avortés (il semble que ça marche!). La B2 (riboflavine) qu'il apporte joue aussi pour optimiser l'absorption ou la synthèse d'autres éléments.
Pour la poule soie je le considère comme particulièrement indispensable, cette race étant réputée sensible aux carences en vitamine E durant la croissance.
Le tournesol est une mine de minéraux, dont le phosphore, et de vitamines dont le groupe B, mais apporte aussi de la lysine, qui manque souvent dans les céréales.
Si j'étais plus courageuse, je construirais un espace adapté et je le ferais germer bien plus souvent...
Il est gras, je n'en abuse pas, mais j'en donne constamment un peu, entre 4 et 10 % de la ration (je rappelle que je ne donne pas de maïs...).
AVOINE
dans la pratique, je n'en donne pas, ou alors en aplati bouilli pour requinquer un sujet un peu fatigué, ou comme exitant en periode de repro. L'avoine est échauffante.
ORGE germée
en théorie, c'est formidable, énergisant il y a même des gens qui affirment remplacer le tourteau de soja par ça pour les vaches... sauf que mes poules ne veulent pas en entendre parler.... elles poussent des cris horrifiés comme si ça allait les mordre... Bah, elles ne manquent pas de bébittes dans l'herbe.
LUZERNE
germée, et même un peu poussée : elle favorise une bonne minéralisation, mais je me reporte pour cela à l'apport en coquille et en vitamine D3 (huile de foie de moeur, foie, jaune d'oeuf...) .A cet usage ce serait particulièrement destiné aux pondeuses et aux animaux en croissance.
En fait ce qui m'intéresse avec la luzerne germée, ce n'est pas tant le taux de protéines ou son faible taux de lipides, que sa concentration en vitamines, donc pour ponte, croissance, et reproducteurs, mais aussi pour passer l'hiver avec des verdures enrichissantes.
La proportion... bin... un peu ...^^)
LIN
Les poules n'en veulent pas, ou alors broyé ce qui est trop compliqué, mais j'arrive à ruser : je ne le donne pas exactement germé, en fait je le mets dans les pâtées humides, au frais quelques jours avant de distribuer celle ci ; ce n'est pas tant pour les oméga 3 que pour la souplesse des plumes.
CHÈNEVIS (graines de chanvre)
excitant. Je n'y ai pas recours, mais pourquoi pas.
ET LE SOJA ?
C'est sûr, niveau protéine et rapport économique, c'est très intéressant, mais ça me gêne d'employer ça, ça ne pousse pas ici, et pour en trouver du pas transgénique il faut se lever tôt. Et comme j'ai indiqué, j'ai des animaux à croissance lente, qui donnent de meilleurs résultats sans excès de protéines (voir tableau plus bas).
Mes valeurs de référence actuelles (que je compte affiner) :
poussin : 20 % (8 semaines) abaissé durant les 10-15 derniers jours ; j'aimerais pouvoir descendre plus vite à 18 %.
croissance : 18 % et baisse progressive (semaines 9 à 24) à 12 %... dans la pratique je dois arriver à 14%
pondeuse : 14 %
coq : 12 %
Mais le soja est une des meilleures sources de lysine... toutefois de petits apports en produits laitiers en apportent aussi, ce qui résoud pour moi le problème.
AUTRES COMPLEMENTS ALIMENTAIRES
D'après un ouvrage INRA sur les huiles essentielles en alimentation des volaillles (F. ALLEMAN et alii), j'utilise le thym, le romarin et l'origan ; parrfois en HE, plus souvent en infusion du jardin.
L'origan améliore la consommation chez le poulet de chair et la pondeuse, ainsi que le taux de ponte... mais comme je préfère avoir un peu moins d'oeufs et un peu plus gros, ce n'est pas mon préféré.
Par contre le thym semble favoriser le gain de poids, en particulier pendant la croissance, et j'ai remarqué que les oiseaux en redemandent quand j'en mets de l'infusion dans l'eau de boisson. Je n'ai pas toujours assez de thym, j'utilise l'HE à micro-doses (environ 1 mg pour 3 à 5 kg de P.vif). Le romarin aussi. Je privilégie selon les moments, au « nez », le premier en pensant au système digestif, le second au sytème respiratoire, ça se vaut assez par ailleurs.
De la fleur de soufre... par exemple en cas de mue si je manque des produits soufrés cités plus haut.
Du chlorure de magnésium, parfois, pour stimuler les défenses immunitaires
CAROTTES … je n'en donne pas, ce serait bien pourtant, mais c'est une concession esthétique à la blancheur de mes oiseaux... Je sais...Puis comme je donne du chou, de toute façon la concession est diminuée.
ORTIES : je me rattrape avec ça... en soi c'est un apport fantastique en sels minéraux et vitamines. J'utilise les feuilles hachées, l'hiver les feuilles séchées, et pour autant que j'ai le courage d'en récolter à la fin de l'été, je mets de petites quantités de graines dans l'alimentation tant que j'en dispose... dans la pratique, comme c'est long à récolter, je le réserve pour une cure de deux mois en janvier février. Ca dope pour la partie froide de l'hiver, ça prépare à résister au printemps, et ça prépare à la reproduction.
Il y a une graine qui semble vraiment intéressante, je n'ai pas de données sur sa germination.
Si je n'en donne pas, c'est pour l'unique raison que je ne la cultive pas... elle est très riche en protéines, très riche en lysine et très riche en méthionine.
Je vous mets une page en lien
http://pronaturafrance.free.fr/amarante.html
attention toutefois les informations y sont parfois décalées, par exemple sur les apports protéiques, donc c'est à croiser avec d'autres sources,
Sur les graines germées, j'ai trouvé des données pour le blé, entre germé et non germé.
Pour les autres c'est plus ardu, j'avais commencé des recherches, recherches qui sont restées en souffrance au fin fond de mes archives, non synthétisées, ni complètes, ni recoupées. De telles données existent mais ne sont pas les plus faciles à trouver. Je n'ai trouvé d'ailleurs qu'en anglais.
Ce que vous pourrez apporter de données plus précises sur les graines germées particulières, tout comme Agricurb, sera bienvenu dans la discussion, et apprécié.