Ca fait vingt jours, presque vingt et un que je suis dans cette taule ! Il n’y a que deux ou trois jours que j’en suis réellement conscient mais je trouve le temps foutrement long.
Je suis plongé dans une obscurité totale et j’ai très peur du noir. C’est comme ça que je sais que je suis petit…
Pour tout arranger, j’ai l’impression qu’un japonais pervers m’a pris pour une cocotte en papier. Je suis tout replié et coincé. L’ankylose me guette et je ne voudrais pas commencer dans la vie perclus de rhumatismes.
J’ai essayé de hurler pour qu’on me tire de là mais je n’ai réussi qu’à sortir une sorte de glapissement pratiquement inaudible. Il me semble avoir perçu d’autres plaintes, un peu semblables aux miennes, venues de l’extérieur. Serait-il possible que je ne sois pas le seul dans cette mélasse ?
Il faut à tout prix que je sorte de là. J’ai la conviction que si trop de temps s’écoule, je finirai par crever sans avoir vu le jour. Je tente un coup de boule mais je manque de recul. Le tir est mal ajusté et mon bec effleure à peine le mur de ma prison. Cet effort m’a épuisé et je sombre dans le sommeil sans pouvoir lutter.
Quelques minutes, heures ou jours plus tard, l’angoisse me sort de ma torpeur. Des cris plus vifs se font entendre et je suis bousculé dans tous les sens. Je me mets à tourner sur moi-même et je perds les repères que je n’ai jamais eus. Il devient urgent de trouver une solution !
En tendant le cou, j’approche ma tête de la paroi la plus proche et je me mets à la tapoter tant bien que mal. La perte d’énergie est moindre qu’avec un effort violent et, au bout de quelques chocs, un léger craquement me redonne espoir. Le temps de reprendre mon souffle et je m’attaque de plus belle à la besogne libératoire. Mon bec parvient enfin à perforer la gangue et une lumière crue éclate à travers mes paupières closes. Je suis toujours aveugle mais ma cécité de noire est devenue blanche.
Il me faut encore un temps infini pour réaliser une brisure suffisamment large pour accepter mon passage mais je finis par m’extirper et déplier mes membres douloureux. Je sens du mouvement tout autour de moi mais je suis beaucoup trop crevé pour m’y intéresser.
Je suis mouillé, collant, abattu, déprimé. Je suis entre la vie et la mort et je ne sais pas de quel côté le sort va basculer. Pour tout dire, à cet instant précis, je m’en fous. Je ne souhaite qu’une chose: dormir... et peu m’importe de me réveiller jamais.
Je suis un poussin et je ne le sais pas encore mais ce que je sais déjà c'est que je vais être de mauvaise humeur…
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