un souvenir d'enfant

Un matin de juin, j'avais 5-6 ans et j'allais chercher les vaches tôt au pâturage pour la traite du matin.

Le soleil se frayait d'étroits passages dans l'aulneraie, là où les vaches aimaient aller s'abriter du vent. La rivière n'était plus en crue mais les berges montraient encore des signes de son passage printanier.

J'aimais aller respirer près de la rivière, elle était comme une amie pour moi. J'écoutais religieusement son chant sous ses rapides et je callais à pleins poumons cette humidité fraîche qu'elle m'offrait. J'aimais voir la trainée de mes pas dans la rosée matinale qui trahissait mon passage et qui dévoilait toutes mes petites béfurcations.

Ce matin là, les vaches étaient toutes couchées et elles me regardaient comme si elles me suppliaient de leur laisser encore quelques minutes de repos.

Un bruit venant de la rivière me rendit curieux, est-ce une truite qui saute ou des visons sauvages qui s'amusent... En m'apporchant, j'ai vu un énorme oiseau palmé beige qui me détectant à proximité a pris rapidement son envol un peu maladroit.

Pendant quelques secondes j'ai eu peur car je n'avais jamais vu ou entendu parlé de ce genre de locataire sur notre rivière mais j'ai quand même eu assez de temps pour en apporter une description à mon grand-père. Pour moi, il connaisait tout. Il répondait toujours à mes questions et je me nourrissais de ses réponses. Il était mon encyclopédie vivante avec des récits colorés de vécu qui me fascinaient.

Une fois les vaches arrivées dans leur parc près de l'étable, j'ai couru annoncer ma découverte à mon grand-père. Je lui raconta cette rencontre avec cet oiseau pataugeur et il me répondit : il était haut comme ça fit-il d'un geste de la main ? Oui pépère ! et gros aussi avec de grandes ailes.

Tu as vu le canard Câlle me dit-il, je les croyais complètement disparûs. Ces gros canards migraient par ici quand j'étais grand comme toi et tout le monde les chassait car ils fournissaient une bonne chair et ils avaient beaucoup de masse et surtout qu'ils se laissaient assez bien approchés. Mais leur manque de méfiance les a décimé et comptes-toi chanceux d'en avoir vu un.

Malgré plusieurs années d'observations, je n'ai jamais revu un gros canard câlle comme le nommait mon grand-père mais j'en ai un parfait souvenir.

Peut-être que certains d'entre-vous pourraient investiguer auprès des aïeux s'ils ont mémoire de ce gros canard sauvage.

Parfois ma passion de sélectionneur me commande de tenter de construire cette race de canard en respectant le phénotype encore bien imprégné dans ma mémoire et j'en ferais la race de canard du québec, tout comme la poule chantecler a été construite.

Beaucoup d'années de sélection en vue avec un objectif de créer ce migrateur fossile en canard domestiqué. Si je tente le coup, y-a-t-il d'autres personnes intéressés à cette réalisation ?

J'ai sélectionné en solo les poules marans et l'oie pèlerine mais faire une sélection sur quelques élevages, le bagage génétique, même parti de souches primaires simillaires, apporterait rapidement une belle diversité.

Ce canard Câlle me hante un peu, comme s'il me demande de le remettre sur la map. Nos ancêtres le chassaient pour s'en nourrir, ils n'avaient certainement pas prévu son extinction et à l'époque, le soucis de préservation n'était pas prioritaire.

Mais il demeure possible que la chasse ne soit pas le seul agent responsable de ce déclin. Retentons-nous de le construire ? flo

Bonjour Flo,

c'est vrai que c'est un beau récit et j'imagine très bien la matinée!
J'ai un faible pour les aventures qui me sont arrivées tot le matin aussi, la qualité de l'air, de la lumière et le calme m'attirent beaucoup!

Pour ce canard, il y a bel et bien une espèce de canard éteinte au Quebec, c'est le Canard du Labrador. C'est la seule espèce disparue dans les anatidés ici. C'était un canard marin, alors il est possible que ce soit l'espèce si tu habitais près du fleuve. Sinon, ta description du comportement correspond bien a celle d'un hybride domestique. Une description plus précise pourrait aider a identifier l'espèce...

Très bon conteur :révérence:

Ce canard n'avait pas le phénotype du canard du Labrador, il avait des teintes plutôt automnales de beige et de roux.

En fait, ça pouvait être une oie sauvage, peut-être un hybride entre la bernache et l'oie des Neiges, à vrai dire j'en suis un peu confus.

Ce canard était nomme le canard "Câlle" et il semblait avoir été recensé assez souvent sur les rivières et le lacs de l'époque.

Mon grand-père relatait un canard lourd, et assez facile d'approche. Son envol était laborieux. J'ai un oncle à Québec, je vais tenter d'en savoir un peu plus sur ce canard. flo

Super! je suis vraiment curieux de savoir ce que ca peut être!

J'ai trouvé un phénotype de canard qui s'apparente un peu au canard Câlle dont je garde le souvenir. Cependant, il n'avait pas de trace de noir. Mon grand-père me racontait que ce gros canard sauvage couvait sur les berges des lacs et rivières et qu'il fût un temps où sa chasse n'était pas difficile mais qu'au fil des ans, ces canards se sont faits plus rares et même "disparûts".

Je cherche encore au fond de ma mémoire une indice quelconque qui pourrait apporter un éclaircissement.

Sur le site où j'ai importé les photos, on le nomme le canard Orpington. La cane de la deuxième photo ressemble drôlement au canard Câlle. flo

C'est sans doute un canard domestique, le comportement que tu décris y correspond très bien alors qu'il ne correspond a aucune espèce sauvage présente ou passée au Quebec....
Ca demeure intéressant, ces oiseaux se retrouvent trop souvent en nature et y compétitionnent les canards sauvages.